Faillibles témoins
Ils sont douze apôtres, comme les douze tribus d’Israël, institués là symboliquement comme douze nouveaux patriarches d’un nouveau peuple porté par une nouvelle Alliance. Apôtre, cela veut dire « envoyé ». Ils sont envoyés. C’est la réponse à la prière demandée par Jésus juste avant. Voilà les ouvriers envoyés pour la moisson, les pasteurs qui manquaient pour que les brebis soient conduites au salut.
Le fondement essentiel de notre repas eucharistique dans le Nouveau Testament se trouve dans le dernier repas que Jésus a célébré avec ses disciples, le jeudi saint au soir : le repas qui pour les Juifs célèbre la Pâque. Mais aussi dans les repas que Jésus a pris avec ses disciples après sa résurrection, en particulier le repas avec les deux disciples à Emmaüs (chez Luc), ou le repas au bord du lac après la pêche miraculeuse (chez Jean).
Résurgence
« Viens, suis-moi » dit Jésus à Philippe. « Viens et vois », dit Philippe à Nathanaël. Le mouvement est contagieux. Il y a un passage de témoin, comme le feu se transmet d’une brindille à l’autre. Cette transmission se fait de génération en génération. La question se pose alors : et nous ? À qui allons-nous transmettre le feu, la foi ?
L’expérience que nous faisons massivement est qu’il n’y a pas eu de transmission entre les générations. Quantité de grands-parents se désespèrent de voir leurs enfants et leurs petits-enfants qui ont « abandonné » toute pratique et toute foi. Les ont-ils « abandonnées vraiment » ? Comme Nathanaël, ils n’ont pas encore rencontré personnellement Jésus. Nathanaël met en doute la parole du témoin, jusqu’à ce qu’il vérifie lui-même en rencontrant directement Jésus. Si le message se transmet comme le feu d’une brindille à une autre, la foi ne s’allume qu’au moment où la personne qui a reçu le témoignage fait elle-même l’expérience de la rencontre. Bernadette de Lourdes ne se culpabilisait pas si on ne la croyait pas, car il ne s’agissait pas de croire en elle, mais de croire en la parole qu’elle portait. « Je suis chargée de vous le dire » disait-elle « je ne suis pas chargée de vous y faire croire. »
Il n’y a pas de pastorale miracle, nous sommes tous indignes des conversions, dans le cœur des grands et des petits, nous ne méritons pas d’avoir des vocations. On ne produit rien, on prépare le terrain, on accueille, on accompagne, on s’efface. Dans la transmission du message, comme c’est le cas entre Philippe et Nathanaël, comme c’est le cas entre générations, il peut y avoir un saut de génération, mais c’est à la manière d’une rivière souterraine. Dans certains terrains calcaires, la rivière disparaît puis réapparaît : c’est une résurgence. L’Évangile peut traverser certaines générations, sans que cela apparaisse visiblement. La foi n’est pas toujours facile à identifier ; les signes visibles de la foi ne sont pas nécessairement là où on les croit.
Extrait de Marche dans la Bible (2016)
Tel arbre, tel fruit
La terre a porté un fruit, une fois. Un fruit unique, un fruit d'une douceur infinie.
Et ce fruit a renouvelé le monde. Toute la création, tous les arbres et tous les animaux ont été éblouis de sa venue. La terre, une fois, a porté un fruit de paix, dont la parole redonnait la vie aux arbres, aux fleurs et à tous les êtres frappés de stérilité.
Mais les hommes n'ont pas perçu la nouveauté de ce fruit unique. Les hommes n'ont pas vu dans cet homme unique le premier né du Père (Col 1, 15), aimé de toute éternité. Les hommes n'ont pas suivi dans le sable les premiers pas du premier Fils.
Le fruit de grâce que le monde a porté est tombé en terre. L'arbre de la croix l'a lâché comme un fruit trop mûr afin qu'il rende la vie à la terre et à ses habitants.
Et la terre l'a reçu, l'a abrité, le temps qu'il fallait à l'amour pour tuer la mort.
La création tout entière s'est mise à crier dans les douleurs de l'enfantement (Rm 8, 22), car elle veut maintenant enfanter d'autres fils et n'a de cesse que tous les hommes qu'elle met au monde soient à l'image de ce fruit de perfection qui lui a rendu sa beauté première, elle qui fut créée dans la joie de Dieu pour la joie de l'homme et de chaque fleur, de chaque oiseau, de chaque chevreau.
Et tant que cela n'est pas fini, tant que des fils manquent à l'appel, la création secrètement prie le Père qu'Il vienne à notre aide et hâte sa venue. Tends l’oreille, mon frère ! Tu entendras comme un battement d’aile, le murmure de la création qui te supplie d’unir ta voix à la sienne, et de prier le Père de toute patience de nous aider à porter fruit.
Extrait de Signes dans la Bible (2015)
Le pape François au Palais du Pharo lors de la clôture des Rencontres méditerranéennes le 23 septembre 2023. VATICAN MEDIA/via REUTERS
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