« Ils veulent de la prière et de la transcendance »
Près de 800 religieux et religieuses de France se rassemblent à Paris samedi 6 et dimanche 7 septembre pour un Jubilé national de la vie consacrée. D’après une étude sur les jeunes qui s’engagent dans la vie religieuse en France, les novices cherchent une expérience de « fraternité » et de « spiritualité » plus qu’un engagement à forte dimension sociale.
Mais qui sont ceux qui s’engagent dans la vie religieuse en 2025 ? La dernière étude sur leur profil sociologique datait d’il y a plus de vingt ans (1). Raison pour laquelle Isabelle Jonveaux, titulaire de la chaire de christianisme global et de théologie interreligieuse à la faculté de théologie de l’université de Fribourg (Suisse), a lancé une enquête sur l’origine et les motivations des novices et des profès temporaires en France, Suisse et Autriche.
Pour la France, la sociologue a reçu 157 réponses à son questionnaire, dont un tiers émane de novices – des candidats à la vie religieuse depuis un ou deux ans – et deux tiers de profès temporaires (2). Parmi les répondants, 9,6 % appartiennent à une communauté monastique contemplative, 52,2 % à un ordre apostolique et 34,4 % à une communauté nouvelle (essentiellement celle du Chemin-Neuf).
Émergence des vocations tardives
L’étude révèle tout d’abord que l’âge d’entrée varie sensiblement selon le type de communauté choisi : 26 ans pour les communautés nouvelles, 28,7 ans pour les ordres apostoliques et 31,2 ans pour les ordres monastiques. « Les ordres religieux traditionnels vont plutôt encourager à avoir des expériences avant de les rejoindre », décrypte Isabelle Jonveaux.
L’analyse sociologique confirme ensuite une constante : les candidats à la vie religieuse demeurent massivement issus de milieux très catholiques. Les chiffres sont éloquents : 85 % ont été baptisés avant l’âge de 3 ans et 67 % confirmés avant 16 ans, témoignant d’un ancrage religieux familial précoce. Plus révélateur encore, 76 % accompagnaient leurs parents à la messe tous les dimanches. Cette expérience religieuse familiale intense se double d’un engagement ecclésial préalable. La moitié des répondants ont fréquenté un mouvement de scoutisme – principalement les Scouts et Guides d’Europe –, tandis que 57 % des hommes et 28 % des femmes ont été servants de messe.
Mais c’est peut-être dans l’évolution des motivations d’entrée que l’enquête révèle les transformations les plus profondes. L’analyse des réponses à la question ouverte « Qu’est-ce qui vous a attiré dans cette communauté ? » dessine le portrait d’une génération en quête d’une expérience religieuse resserrée autour de la spiritualité. Les termes les plus récurrents – « fraternité » et « spiritualité » (33 occurrences chacun), suivis de « joie » (27), « prière » (19) et « liturgie » (18) – témoignent d’une approche résolument centrée sur l’expérience fraternelle et religieuse.
Des motivations de plus en plus spirituelles
« On ne rentre plus pour des activités spécifiques », observe la sociologue. « Tout ce qui va tourner autour des activités enseignantes, hospitalières, missionnaires n’apparaît plus. Ce qui explique que des congrégations apostoliques féminines du XIXe ne recrutent plus comme avant. »
Cette mutation s’enracine dans un double mouvement, selon la chercheuse. D’une part, « un regain de l’attente du religieux pur, en réaction à des générations qui avaient beaucoup investi la dimension sociale. Ils veulent de la prière et de la transcendance », décrypte Isabelle Jonveaux. D’autre part, « la vie religieuse en Europe n’est plus un statut social. À partir du moment où ce n’est plus reconnu socialement, on va s’acheminer vers une concentration de motivations de plus en plus religieuses ».
Alors comment ces vocations naissent-elles concrètement ? L’enquête met en lumière l’importance cruciale de la rencontre personnelle. Pour un quart des répondants, la découverte de la communauté s’est opérée par la connaissance directe d’un de ses membres. « C’est la mise en contact avec une figure à la fois exemplaire et accessible qui va montrer que la vie religieuse est possible », décrypte Isabelle Jonveaux. Parallèlement, la visibilité numérique fait sentir ses effets : 14 % des répondants ont découvert leur communauté en ligne.
(1) « Enquête sur les novices français, en France, hommes et femmes de vie apostolique et monastique » de Julien Potel, 1er janvier 2004.
(2) Un novice devient « profès temporaire » dès qu’il a prononcé ses vœux temporaires, qu’il s’engage à vivre pour une durée de trois à six ans.
Par Héloïse de Neuville – La Croix