Communauté de Paroisses St. Gabriel Val de Sarre Nord

 

 

Le cardinal Jean-Marc Aveline, à la tête de Conférence des évêques, a fait de l’accompagnement des catéchumènes une priorité. Ici, le 14 juin lors d’une cérémonie de confirmation à la cathédrale de la Major à Marseille (Bouches-du-Rhône).

Alors que la hausse des baptêmes d’adultes tend à s’amplifier, l’intégration de ces nouveaux chrétiens devient un enjeu majeur pour l’Église de France. De nombreuses initiatives fleurissent dans les diocèses, qui commencent à se structurer, en mettant l’accent sur l’enracinement communautaire et la fraternité.

« Au bout de trois ans, on ne les voit plus… » Ce constat un peu désabusé résume un sentiment jusqu’alors largement partagé dans les paroisses françaises : une fois l’effervescence des débuts passée, les nouveaux baptisés seraient nombreux à « décrocher » dans les années qui suivent leur baptême. « L’expérience montre en effet que de nombreux néophytes n’ont pas intégré la pratique dominicale de l’eucharistie, ne sont pas incorporés dans une communauté et disparaissent peu à peu », confirme un document que le diocèse de Lyon a consacré en 2023 à cette problématique.

Une priorité pour l’Église de France

Alors que le boom des catéchumènes, amorcé il y a trois ans, continue de s’amplifier – plus de 10 000 adultes ont reçu le baptême en 2025 –, cette question de l’accueil et de l’incorporation dans la durée des nouveaux baptisés a pris des airs de grande cause nationale. Au point que le cardinal Jean-Marc Aveline en a fait une priorité dès son élection à la tête de la Conférence des évêques de France en avril. Ce phénomène inédit est en effet l’un des rares sujets à susciter un enthousiasme quasi unanime au sein du catholicisme français. Comment l’Église prend-elle soin des néophytes ? Quelles initiatives aujourd’hui dans les diocèses pour garder ces nouveaux baptisés ?

« Ce n’est pas parce qu’on ne les voit plus dans la paroisse qu’ils ne vont pas à la messe », nuance d’emblée Isabelle de la Garanderie, en mission auprès des néophytes dans son diocèse de Nanterre, « et ce n’est pas parce qu’ils pratiquent autrement qu’ils ne sont plus chrétiens ». De plus en plus jeunes – 42 % ont moins de 25 ans –, les adultes fraîchement baptisés sont également très mobiles et donc difficiles à suivre. Pour la jeune femme, qui a piloté une grande réflexion diocésaine sur le sujet, il s’agit avant tout « d’inverser la logique » : plutôt que de se demander quoi faire de ces nouveaux venus, la communauté doit les placer au centre et même se repenser entièrement « à partir des néophytes ». Un vœu partagé par tous les responsables diocésains interrogés, preuve d’une convergence des réflexions.

Partager les bonnes pratiques

Aujourd’hui, l’heure est au foisonnement d’initiatives et au partage des bonnes recettes dans les diocèses : parcours bibliques, organisation d’événements ou pèlerinages diocésains, catéchèses, nomination d’un référent paroissial, possibilité pour les néophytes de partager la vie d’une famille chrétienne pendant toute une soirée… Des diocèses comme Marseille ou Albi viennent de créer cette année leur propre service du néophytat. Les évêques d’Île-de-France ont, eux, décidé de mutualiser leurs forces en lançant un concile provincial en 2026-2027, qui mobilisera toutes les paroisses.

L’enjeu pour ces futurs et nouveaux baptisés est de « passer d’une démarche individuelle, liée à une expérience spirituelle ou une recherche de sens, à un enracinement communautaire », explique le père Maximilien de la Martinière, nommé secrétaire général du concile francilien. Jusque-là, la méthode employée dans sa paroisse de Saint-Quentin-en-Yvelines était axée sur le parcours Alpha, afin de découvrir les fondamentaux de la foi tout en tissant d’emblée des liens d’amitié avec les paroissiens. Fini donc le « cocon » des groupes de catéchuménat, très porteurs au début, mais qui amplifient le risque de « baptême blues » et le sentiment de décalage une fois le nouveau baptisé plongé dans le grand bain un peu impersonnel de la paroisse.

Des groupes hybrides, mêlant futurs, nouveaux et anciens chrétiens

« Il ne faut pas attendre que les néophytes soient baptisés pour penser leur intégration », confirme Isabelle Quiblier,responsable du catéchuménat à Lyon. Ce diocèse en pointe sur la question s’appuie sur des « fraternités catéchuménales », des groupes hybrides de huit à dix personnes mixant catéchumènes (ou « recommençants », qui préparent leur première communion ou leur confirmation), nouveaux baptisés et chrétiens de longue date. « L’accompagnement individuel n’a pas complètement disparu, mais s’est transformé en une sorte de parrainage », précise-t-elle. L’initiative, encore récente, est un succès, au point que certaines paroisses ont aujourd’hui jusqu’à sept ou huit fraternités et que d’autres diocèses viennent s’en inspirer.

C’est le cas dans le diocèse d’Évreux, où deux paroisses rurales ont joint leurs forces il y a trois ans pour créer leur propre fraternité. Aujourd’hui, ils sont une vingtaine, d’âges et de milieux très différents. « J’ai rejoint le groupe il y a deux ans, par mes parents, qui y préparaient leur confirmation », témoigne Clara Eliot, 20 ans, aide-soignante au CHU de Rouen, qui a été baptisée à Pâques. La jeune femme se sent déjà bien intégrée dans la paroisse, où le groupe a, par exemple, été à l’initiative au début de l’année d’un grand événement consacré aux personnes malades, autour de la messe dominicale, d’un repas et de nombreuses activités.

Une Église bientôt « néophyte dans l’âme » ?

« C’est important que les nouveaux passent à l’action, ils sont très demandeurs et c’est ainsi qu’ils se sentent accueillis », explique Béatrice Schenckery, responsable du groupe, qui veille à ce que chacun puisse avoir un service, selon ses envies et talents, « mais sans leur mettre le grappin dessus au prétexte qu’ils sont pleins d’enthousiasme ». Pilier de la paroisse, Françoise Mansuy a rejoint le groupe d’abord « par curiosité ». « Aujourd’hui, c’est comme une deuxième famille », explique cette retraitée de 79 ans, qui se dit « renforcée dans sa foi » et compte bien poursuivre l’année prochaine, comme Clara et la plupart des autres membres. « L’objectif, c’est que les néophytes restent fidèles, au moins un temps, pour que la fraternité puisse grossir et se diviser, et qu’ils deviennent à leur tour témoins », confirme Isabelle Quiblier.

L’Église de France aurait-elle enfin trouvé la recette pour garder ses nouveaux baptisés ? Il est encore tôt pour le dire, même si de nombreux signes montrent qu’elle est en train de franchir un cap. Quel impact cela aura-t-il dans les prochaines années ? Isabelle de la Garanderie aspire à une Église où chacun se redécouvre « néophyte dans l’âme ». « Je pense que la vie des paroisses va se transformer au contact de ces nouveaux baptisés, qui pourront être à leur tour force d’initiative pour s’engager, témoigner, prier, animer la vie de proximité », explique Mgr Olivier de Cagny, évêque d’Évreux et responsable du pôle initiation et vie chrétienne à la CEF. Un optimisme partagé par Isabelle Quiblier. Si elle mesure le risque d’un « essoufflement » ou d’une « résistance au changement » de la part de certains, elle anticipe dans son diocèse une Église à l’avenir « plus jeune, au moins dans l’esprit, et plus ouverte pour témoigner de sa foi plutôt que de tourner en vase clos ».

Par Gonzague de Pontac