Communauté de Paroisses St. Gabriel Val de Sarre Nord

 

 

Martin Steffens célèbre la lumière et la joie des petits matins, heures propices aux rendez-vous avec Dieu. Chaque matin, Dieu nous fait don de nous-mêmes.

Martin Steffens, le 02/03/2025

LA CROIX – L’Hebdo

Par où commencer ? Par le fait que, ce matin, la couette où je m’étais endormi pesait plus que la force dont je disposais pour la soulever ? Ou bien par cet autre fait, plus lumineux, que le mot « matutinal », pour désigner les choses du matin, m’a toujours ravi et donné parfois la force de me lever ? Ou encore par cet étonnement que le livre des commencements ne dise pas, comme on s’y attendrait, que le matin précède la nuit mais l’inverse : « Il y eut une nuit, il y eut un matin » ?

Cela va plus loin : ce « premier jour », première percée hors des ténèbres, la Genèse ne le nomme pas Yom Rishon mais Yom Echad, « jour unique », comme si les cinq autres jours de la Création étaient compris dans la lumière du premier. Comme si nous, créatures, quelque difficiles que soient nos réveils, étions toutes du matin. Le matin, en effet, n’est pas ici une période de la journée (unité de temps qui n’apparaît qu’au quatrième jour, avec la création des luminaires). Il symbolise l’Être comme don. Il dit le jour auquel nous, vivants, sommes venus et ne cessons de venir. Car nous ne nous donnons pas à nous-mêmes le matin. Nous n’y pouvons rien, que de soulever la chape afin d’assister, dès le lever du jour, au don de la lumière.

Un Dieu prompt à se lever

Aussi le psalmiste veut-il chanter « dès le matin » la bonté du Seigneur (Ps 59, 16). Job, l’homme juste, offre de même pour ses fils un holocauste « de bon matin » (Jb 1, 5) tandis que Jacob, éveillé peut-être par la médiocre qualité de sa couche, fait de la pierre où il reposait sa tête une stèle en l’honneur de Dieu (Gn 28, 18). Jésus, enfin, se lève « bien avant l’aube » (Mc 1, 35), « au point du jour » (Lc 4, 42) afin de se rendre, nous est-il dit sans plus de précision, dans un endroit désert. Dieu est partout mais pas n’importe quand. Il a son heure, nous est-il dit, et son temps vient. Sa rencontre est ici et, sans doute, maintenant. Mais le matin y semble plus propice. Il dit le style propre d’un Dieu prompt à se lever et à nous relever : « avec le soir, viennent les larmes, mais au matin, les cris de joie. » (Ps 29, 6)

La nuit, certes, est tombée sur un monde qui peu à peu a désappris à se recevoir d’une lumière qui lui vient de plus loin. Ayant pris souci de lui-même, le monde fit à la lumière, offerte à tous (Mt 5, 45), comme un repli, une anfractuosité. Du fond de cette caverne, il crie vers un Dieu qu’il imagine absent. Autour de sa déréliction, il multiplie des contre-feux artificiels. Pollution lumineuse, ceux-ci ne font que dissimuler notre prime appartenance au Ciel. Ce qu’il faudrait, au contraire, c’est retenir la lumière, vivre à l’orée de toute création (Jn 1, 9-10).

Au rendez-vous fixé par Dieu

Mais retient-on la lumière ? L’enfermer, c’est l’obscurcir. L’étreindre, c’est l’éteindre. Pas de mainmise, donc, mais une main offerte, ouverte au jour qui se donne. Être là au petit matin, quand s’éteignent nos luminaires et que les oiseaux saluent l’aurore qui arrive, c’est être au rendez-vous fixé par Dieu : « Je vous ai parlé dès le matin », dit la bouche de Jérémie (Jr 25, 3 ; cf. Jr 7, 25 ; 11, 7). Et c’est « de grand matin » (Mc 16, 2) que Marie-Madeleine et Marie, la mère de Jacques, firent l’expérience de ce que nous nommons, périphrase de la Résurrection, « le matin de Pâques ».