A travers l’actualité très agitée de ces derniers jours, Arnaud Alibert, rédacteur en chef assomptionniste à La Croix, s’interroge sur la meilleure façon de rester humain quand les dominants règnent ailleurs en maîtres. Arnaud Alibert, le 20/02/2025
Il y a des semaines plus dures que les autres. Sans doute parce que l’histoire n’est pas une ligne droite, ni la vie un long fleuve tranquille.
Je ne fais pas spécifiquement allusion à notre pape. En ces jours d’hospitalisation, il est un sujet important de préoccupation et un motif de prière. Mais ni sa maladie, ni même sa mort, si on y réfléchit bien, ne sont un tournant de l’histoire. J’espère ne choquer personne en disant cela. Lui-même se présente comme un serviteur. Après lui viendra un autre pape qui sera lui aussi un serviteur. La mort d’un pape n’est pas la fin de la papauté, ce qui serait, ça je vous l’accorde, un sacré chamboulement. On en est loin !
L’histoire humaine est beaucoup plus fragilisée par la manière dont l’homme s’y engage. Veut-il dominer ou accomplir, asservir ou inviter ? Cette semaine a été dure car j’y ai vu l’homme le plus riche du monde rayer d’un trait de plume des lignes de crédits publics finançant agences et programme au chevet des personnes les plus pauvres du monde. Pot de fer contre pot de terre, quelle gloire peut-il y avoir à briser l’autre ? J’y ai aussi entendu l’homme à la tête de la nation la plus puissante du monde insulter le président d’un pays agressé et envahi par son voisin. J’ai eu l’impression d’être en face de la caricature de ce que l’argent et le pouvoir produisent comme humanité déformée et déjà si loin de l’image divine qu’elle porte en elle. L’envers du monde de Dieu qui est aussi celui des humains tout simplement.
Facile de critiquer ce qui se passe au loin, me direz-vous ? Je vous rassure, je n’ignore pas ce qui se dit chez nous, par exemple à propos des détenus de nos prisons et maisons d’arrêt où toute activité ludique doit être supprimée, « dès lundi » ai-je compris. Quelle est cette urgence à tourner le dos à l’humanisme français qui dans la bouche du grand Rabelais confesse que « le rire est le propre de l’homme ». Comment mettre de l’humain, la seule chose qui guérisse vraiment de la violence, sans le jeu, ni le rire ?
A une personne qui craignait que notre société soit condamnée à ces régressions, j’ai objecté qu’il n’y a aucune fatalité à cela. Sauf à continuer à penser l’homme en son monde à travers le seul filtre de la performance. Mais si on considère, au contraire, l’homme comme un gisement de relations potentielles, si on le sait plus grand chaque fois qu’il noue un lien nouveau avec autrui, si on accorde du crédit à ce principe qui veut que « plus on est de fous, plus on grandit », alors l’avenir s’ouvre et la semaine qui s’annonce me promet d’être infiniment plus belle que celle qui s’achève.