Selon Mikael Corre de La Croix, envoyé spécial permanent à Rome, le pape a créé 21 nouveaux cardinaux, samedi 7 décembre, dans la basilique Saint-Pierre. Il leur a fixé ce programme de cardinalat : « L’aventure du chemin, la joie de la rencontre, l’attention envers les plus fragiles. » Avec ce consistoire, François poursuit sa diversification de la haute hiérarchie catholique.
Une foule immense massée dans un impressionnant édifice de pierre. L’événement du jour, vu du Vatican, n’est pas la réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris, mais la création en présence du pape de 21 nouveaux cardinaux dans la plus grande église catholique du monde. Il est 16 heures, ce samedi 7 décembre, dans la basilique Saint-Pierre, et François s’adresse à ceux que l’on appelait autrefois les « princes de l’Église ».
« L’aventure du chemin, la joie de la rencontre, l’attention envers les plus fragiles : voilà ce qui doit animer votre service de cardinaux », a répété par deux fois le 265e successeur de Pierre, après un commentaire du passage de l’Évangile de Marc (10, 37) dans lequel deux disciples tentent de négocier une place au plus près du Christ en gloire. « Cela peut aussi nous arriver : que notre cœur se perde, qu’il se laisse éblouir par l’attrait du prestige, de la séduction du pouvoir », prévient François devant le baldaquin de Bernin, récemment restauré, et avant de demander à ses « chers frères qui reçoivent le cardinalat » de ne jamais « oublier l’essentiel ».
Il y a quelques semaines, le pape argentin leur avait adressé une lettre, écrite le 6 octobre, dans laquelle il dit prier pour que « le titre de “serviteur” (diacre) prenne de plus en plus le pas sur celui d’ “éminence” », le titre honorifique traditionnellement donné aux cardinaux. « C’est un grand défi à relever, commentait à la veille du consistoire le nouveau cardinal et archevêque d’Abidjan (Côte d’Ivoire), Ignace Bessi Dogbo. Le cardinal doit savoir qu’il est au service de tous, mais pour le peuple ce n’est pas toujours évident. Certains voudraient que le cardinal ne fasse pas ceci ou fasse cela… C’est un véritable défi. »
D’ores et déjà, ce samedi dans la basilique Saint-Pierre, le pape de bientôt 88 ans (le 17 décembre) n’est plus le seul homme en blanc. Signe d’humilité, deux nouveaux cardinaux, l’archevêque d’Alger Jean-Paul Vesco et le Britannique Timothy Radcliffe, ont été autorisés par François à garder leur habit blanc de dominicain, comme nous l’écrivions à la fin du Synode sur la synodalité.
« Le pape m’a suggéré (de ne pas prendre l’habit rouge, seulement la calotte, NDLR), j’allais le lui demander quoi qu’il en soit, mais c’est lui qui me l’a suggéré, explique le cardinal Radcliffe. Je veux rester un frère de l’ordre (dominicain), mon frère Jean-Paul Vesco a demandé la même chose. C’est une vieille tradition. Si vous regardez des portraits de dominicains du XIXe siècle, ils sont comme cela. C’est une idée nouvelle que lorsque vous devenez cardinal vous arrêtez de porter l’habit de l’ordre. Donc – comme si souvent – les gens pensent à une révolution, mais je suis juste la tradition ».
Avec ce nouveau style demandé, le Sacré Collège pourrait-il devenir plus homogène ? « Je ne le pense pas, répond le cardinal Radcliffe. Je ne connais pas encore bien tout le monde, mais faire venir des gens (au sein du Collège des cardinaux, NDLR) du monde entier – d’Algérie, de Mongolie… – rend les choses moins prévisibles que dans le passé, lorsque vous faisiez venir des personnes bien connues de l’Église. En accueillant des gens du monde entier, je pense que nous pourrions avoir des surprises… »
L’Ukraine représentée
Avec ce consistoire, François poursuit sa diversification de la haute hiérarchie catholique, aujourd’hui davantage originaire du Sud, et en particulier d’Amérique latine, dont sont issus cinq des nouveaux cardinaux créés ce 7 décembre (Équateur, Chili, Brésil, Pérou, Argentine). Sans oublier l’Iran, le Japon, ou encore l’Ukraine, désormais représentée au sein du Collège par Mgr Mykola Bychok, 44 ans, évêque de l’éparchie des Saints-Pierre-et-Paul à Melbourne (Australie).
Dans la basilique Saint-Pierre, ce samedi, le pape s’est encore adressé à ces nouveaux cardinaux venus du monde entier. En « jetant son regard sur vous, qui avez des histoires différentes, qui venez de cultures diverses et représentez la catholicité de l’Église, le Seigneur vous appelle à être des témoins de la fraternité, des artisans de la communion et des bâtisseurs de l’unité », a-t-il dit, avant de rappeler la mise en garde du pape Paul VI, prononcée à l’occasion du consistoire du 27 juin 1977, contre la « tentation de la division » : « C’est à travers l’ardeur qu’ils mettent dans la recherche de l’unité que l’on reconnaît les vrais disciples du Christ », avait dit le pape qui a fait aboutir le concile Vatican II.
De Tiziana Fabi et AFP