Communauté de Paroisses St. Gabriel Val de Sarre Nord

 

 

Depuis le début de son pontificat, en 2013, François ne cesse de plaider en faveur de l’accueil des migrants. Une position rendue encore plus actuelle par l’arrivée massive de migrants à Lampedusa ces derniers jours et qu’il défendra aussi à Marseille, les vendredi 22 et samedi 23 septembre.

Qui se souvient encore du cri du pape François ? Celui qu’il poussa au camp de Lesbos, petite île grecque située à quelques encablures des côtes turques, ce jour de décembre 2021. Cet appel lancé devant Jessica, Congolaise partie de Kinshasa pour échapper à un mariage forcé, contrainte de se prostituer avant d’arriver à Lesbos dans une barque de fortune, et devant sa fille Daniela, qui n’avait jamais connu que les barbelés du camp. Ou devant Aisha, 24 ans, provenant de Somalie, d’où elle avait fui la guerre.

Ce matin-là, monté sur une estrade abritée sous une tente, d’où l’on voyait cette Méditerranée où des barcasses arrivaient chaque nuit ou presque de la Turquie voisine, le pape François s’était, une nouvelle fois, indigné du sort des migrants, avait dénoncé ce « cimetière » qu’était devenue à ses yeux la Méditerranée (jadis mare nostrum, aujourd’hui mare mortum) et appelé les autorités européennes à travailler à une résolution européenne de cette crise.

Depuis le début de son pontificat, en 2013, le pape François ne cesse d’essayer d’attirer l’attention sur le sort des migrants, comme il le refera à Marseille, lors de sa visite les vendredi 22 et samedi 23 septembre. Quelques semaines après son élection, en juillet 2013, au cours d’un voyage surprise à Lampedusa, il avait déjà fustigé « l’indifférence du monde » à l’égard de ceux qui débarquaient sur les côtes européennes. Depuis, le discours n’a pas changé, et François, qui a créé au Vatican une cellule spéciale pour réfléchir au sujet, fait désormais tenir ses convictions en quatre verbes, qu’il ne cesse de marteler : accueillir, protéger, promouvoir et intégrer.

François y a ajouté ces derniers mois un droit pour les migrants de pouvoir rester dans leur pays, comme un appel à ces États du sud du monde à tout mettre en œuvre pour faire cesser les guerres et les violences qui provoquent le départ vers le Nord. Il n’empêche : avec le temps, ses appels semblent retentir de moins en moins fort, le pape semblant s’être lui-même enfoncé dans l’indifférence qu’il ne cesse pourtant de dénoncer.

Sauver des vies

Comment expliquer l’omniprésence de ce thème que certains critiques du pape, à Rome, n’hésitent pas à qualifier d’« obsession » ? Chez Jorge Mario Bergoglio, les raisons de ses engagements se trouvent souvent dans sa vie personnelle. Peut-être faut-il ainsi identifier dans son histoire familiale cette sensibilité particulière, quand on se souvient que François est le fils d’un immigré italien débarqué du Piémont en Argentine en 1929. Le père de l’ancien archevêque de Buenos Aires manqua de peu le premier bateau qu’il devait prendre. Un concours de circonstances qui lui sauva la vie, puisque le navire fit naufrage dans l’Atlantique.

Mais d’autres, à Rome, relient cette insistance papale vis-à-vis des migrants à une autre expérience personnelle du pape argentin. « Pendant la dictature, il a aidé plusieurs dizaines d’opposants argentins à fuir au Brésil après les avoir cachés, détaille une source vaticane. Pour lui, ce qui a toujours compté, c’est de sauver des vies, peu importent les moyens mis en œuvre ou les conséquences. »

 

Pour François, les migrants font partie des « gens les plus faibles de l’humanité », explique-t-on à Rome. D’où sa décision de créer, dès le début de son pontificat, un dicastère chargé des migrations, mais aussi du climat ou des questions liées aux crises économiques ou à la paix dans le monde. « Tout cela fait partie d’un même ensemble : le soin à apporter aux personnes vulnérables », explique encore la même source. Qui confirme : « Que les migrants qui arrivent en Europe le fassent en raison de la guerre, de la faillite de leur pays ou du réchauffement climatique, cela ne change rien pour le pape. Il ne différencie pas la guerre et la persécution. »

Pour les diplomates, un discours irréaliste

C’est au sein du dicastère pour la promotion du développement humain intégral que l’on met notamment au point les argumentaires, comme ceux envoyés au nonce auprès de l’Union européenne, lorsque la Commission redéfinit le pacte européen sur la migration et l’asile. Ces derniers mois, le Vatican a ainsi plusieurs fois dit sa « préoccupation » sur plusieurs points dont la création de « hot spots » installés dans des pays limitrophes de l’UE et destinés à « trier » et choisir les migrants autorisés à entrer en Europe, ou encore les limites du système consistant à faire payer des amendes aux États refusant d’accueillir des migrants. « Certains préféreront toujours payer qu’accueillir », déplore-t-on à Rome.

Mais ces efforts du Vatican pour traduire politiquement les convictions du pape François sur les migrants ne suffisent pas à changer son image aux yeux des chancelleries européennes, celle d’un homme détaché de toute réalité concrète. Dans les ambassades du Vieux Continent installées près le Saint-Siège, c’est peu dire que le discours du pape fait sourire, tant les diplomates l’estiment irréaliste. « Mon gouvernement ne l’écoute pas, il ne s’intéresse absolument pas à ce qu’il dit sur ce point précis », détaille un ambassadeur en poste à Rome. Un autre est plus clément : « En tenant de tels discours, le pape est dans son rôle. Et si mon gouvernement est un peu réticent, je lui indique qu’on ne peut pas choisir le domaine dans lequel le pape lance des appels. On ne peut pas se féliciter de ses options sur l’environnement et rejeter celles sur les migrants. »

 

Loup Besmond de Senneville (à Rome), le 21/09/2023

La Croix