Au plus haut des cieux
Samedi 10 juin, la mission Spei Satelles de l’agence spatiale italienne a mis sur orbite à 525 km au-dessus de la terre un satellite contenant une plaque de silicium de 2 millimètres, « sur laquelle ont été imprimées, via des nanotechnologies, les images, les discours et les lectures du moment de prière célébré par le pape François le 27 mars 2020, en pleine pandémie », indiquent les organisateurs. Pourquoi ce choix ? « Ces paroles et ces gestes sont devenus une graine d’espérance qui redonne la vie. »
Cet événement inédit peut nous surprendre ; il peut aussi nous instruire.
Accueillir l’autre sans condition, tel est l'un des refrains du pontificat actuel. Et voilà qu’une parole spirituelle est lancée dans l’espace, au seuil de l’atmosphère en guise de bienvenue, petit clin d’œil qui n’est sans doute pas inutile aux terriens que nous sommes.
Autre conviction : croire et espérer de manière à dépasser l’apparente fatalité de l’ordre établi. Pris dans les filets de « la guerre mondiale par morceaux », selon l’expression de François, l’homme d’aujourd’hui pourrait se penser emmuré par un horizon fermé, le regard écrasé, incapable d’entrevoir un lendemain désirable. C’est cela que la prière urbi et orbi du 27 mars a voulu dénoncer et combattre.
Ce soir-là, seul debout devant la pluie, le pape voulait incarner l’humanité qui croit. Par la foi, l’homme ne peut se résoudre aux horizons clos, car le Christ a fait tomber le mur de la mort ; aujourd’hui encore, il ouvre des brèches.
Enfin, en prenant part à une expérience spatiale scientifique, le pape indique l’aspect universel et désintéressé de sa mission. Il investit une partie de « l’imaginaire collectif », comme le disait Marco Politi, vaticaniste italien, à propos de sa prise de parole du 27 mars 2020. Aux hommes d’aujourd’hui qui tournent les yeux vers l’immensité du ciel, admiratifs des prouesses de l’homme, François fournit l’occasion de se demander en vue de quoi nous faisons cela. Dans la foi chrétienne, le ciel renvoie à la terre. Pour qui voulait, il était possible d’embarquer dans Spei Satelles : via un site dédié, l’internaute pouvait donner son nom. S’il s’engageait à accomplir une bonne action ici-bas en faveur de son prochain, il recevait « une carte d’embarquement ». S’investir dans le lointain n’a de sens que si l’on s’engage auprès de son prochain. Par cette opération, le pape a voulu que cette vérité ne soit pas oubliée.
Arnaud Alibert,
Rédacteur en chef à La Croix