Communauté de Paroisses St. Gabriel Val de Sarre Nord

 

 

 

En formes et en couleurs

Quelle joie d’être invité à un mariage ! C’est prendre sa place à la fête aux côtés des nouveaux époux, de leurs familles et des amis. Comme il est bon de célébrer l’amour que nous avons les uns pour les autres et l’amour de Dieu pour nous.

Au fil des méditations, nous écrirons l’icône des Noces de Cana. Pour l’instant, nous voici devant cette planche immaculée et creusée.

Dès le commencement, Dieu fait alliance avec l’homme : « Moi, je ne t’oublie pas : j’ai gravé ton nom sur les paumes de mes mains. » (Isaïe 49, 16) C’est le sens de la première étape de l’écriture d’une icône : le dessin est reporté et gravé sur la planche. Dans la gravure, nous coulons de l’ocre rouge. Dieu vient dans le creux de nos vies, dans l’espace que nous lui laissons.

Par l’incarnation et le don de son Fils, Dieu se rend visible. L’icône est une fenêtre ouverte sur l’invisible. Elle est Parole de Dieu en formes et en couleurs. Support de la prière, elle permet au croyant de tisser un lien avec Dieu.

Les couleurs de ce jour sont le blanc et l’ocre rouge. Le blanc, que l’on obtient en rassemblant toutes les couleurs, est signe de l’humanité rassemblée en Christ. Il évoque la victoire de la lumière sur les ténèbres. L’ocre rouge est symbole du sang qui irrigue le corps humain et de la vie reçue de Dieu.

Tel est notre chemin de carême : nous nous reconnaissons enfants de Dieu ; nous choisissons de nous rapprocher de lui, de nous laisser modeler par lui.

Clinquant ?

La couleur de ce jour est l’or… « On fera une arche en bois d’acacia […]Tu la plaqueras d’or pur à l’intérieur et à l’extérieur et tu l’entoureras d’une moulure en or. » (Exode 25, 10-11)

Métal précieux appliqué sur le fond de l’icône, comme jadis sur le bois de l’arche, l’or symbolise la présence divine. Ainsi, toute la matière est transfigurée par sa présence.

À Cana, l’attention était probablement portée sur les mariés. Tout de blanc vêtus, au centre de l’icône, ils ont la première place. Et pourtant, notre regard de priant est aussi attiré par Jésus et Marie. Marie semble glisser un mot à l’oreille de Jésus.

Aujourd’hui, l’or a été posé sur le fond de l’icône. Notre attention se porte sur les auréoles. Elles indiquent la sainteté, plénitude en Dieu. Elles symbolisent la gloire spirituelle et le rayonnement de la lumière de Dieu à travers la personne représentée. L’auréole du Christ est toujours marquée d’une croix, évocation de sa mort et de sa résurrection.

Et nous, aujourd’hui, quand il nous arrive de dire à une personne qu’elle est rayonnante, parfois aussi solaire, que voulons-nous exprimer ? Qu’elle est radieuse, étincelante ? Pensons aux jeunes époux, resplendissants le jour de leur mariage.

L’or n’est ni clinquant ni objet d’ornementation, il témoigne de la présence intérieure qui ne peut être gardée pour soi et qui ne demande qu’à être révélée ! Allez dire…

En noir et blanc

La couleur de ce jour n’est pas une couleur. Le noir est absence de couleur et, dans le langage iconographique, absence de Dieu. Aujourd’hui, une pointe de noir est ajoutée dans chaque couleur, comme dans le vêtement bleu du maître de maison. Cette étape s’appelle « pose des ténèbres ». En opposition à l’or, lumière de la présence divine, le noir nous rappelle notre mal, notre péché, mais aussi le deuil et toutes les souffrances que nous traversons.

Un jour de noces, comme à Cana, tout n’est que fête, tout n’est que joie. Les vêtements des mariés resplendissent et les autres sont lumineux. Pourtant, une chose vient à manquer au cœur de la fête : « Ils n’ont plus de vin », signale Marie à Jésus. Une ombre dans la fête !

Cette petite pointe de noir dans les premières couleurs nous invite à poser, déposer, tout ce qui est lourd dans nos vies, toutes nos souffrances et tout ce qui obscurcit nos existences. Cela n’est qu’une étape. Il en faut du temps pour écrire une icône. Il en faut du temps pour inscrire sa vie dans le plan de Dieu. Ce n’est peut-être pas pour rien que le carême dure 40 jours.

N’oublions jamais que des ténèbres jaillit la lumière du Christ. Découvrons et laissons transparaître cette lumière. Elle révèle notre identité de fils et filles de Dieu. Allons et témoignons de cette présence de Dieu dans nos vies.

Question de timing

L’heure de Jésus, c’est celle du projet de Dieu définitivement accompli dans la mort et la résurrection du Christ. L’heure de Jésus, c’est sa Pâque, son passage vers le père : heure glorieuse, heure du don total. Il a peu de temps pour réaliser sa mission sur la terre. Et l’éclat des miracles va durcir l’opposition, hâter sa fin. Jésus ne veut pas devancer le temps : « l’heure n’est pas encore venue ».

Écrire une icône, c’est entrer dans une démarche de foi, dans un esprit de pauvreté. Le cœur obéissant aux conseils d’un autre, le cœur ouvert à ce que Dieu nous dit.

Écrire une icône, c’est se laisser regarder, s’effacer devant un message de foi à transmettre.

L’étape de ce jour est appelée « montée des lumières ». Désormais, vous ne trouverez plus de noir sur la palette. L’iconographe travaille par couches successives, de plus en plus claires, jusqu’à arriver au blanc. Un peu à la manière de saint Paul invitant les Colossiens à se débarrasser de « l’homme ancien qui était en vous et de ses façons d’agir » pour se revêtir de « l’homme nouveau qui, pour se conformer à l’image de son Créateur, se renouvelle sans cesse en vue de la pleine connaissance ».

Écrire une icône, c’est entrer dans une démarche de conversion. C’est apprendre, dès le départ de l’ouvrage, là où nous sommes le plus faibles et laisser parler le travail de la grâce de Dieu en nous.

Le langage de l’icône révèle la beauté spirituelle, la beauté intérieure.

Révélateur

Nous voici au cœur de l’événement. Une parole de Jésus, le travail des serviteurs et le miracle s’accomplit. Peu à peu, notre icône se dévoile, des ténèbres à la lumière.

« La lumière divine nous révèle les êtres et les choses dans leur vérité et dans la beauté dont le Créateur les a revêtus à l’origine, sans que l’ombre vienne les ternir.» Par touches successives, les couleurs de plus en plus claires révèlent les visages et les vêtements des deux serviteurs et les six jarres prennent forme.

Joignant le geste à la parole, Marie tend la main, paume ouverte, pour exprimer sa demande : « Ils n’ont plus de vin. » La main droite de Jésus bénit l’eau, tandis que la gauche tient le rouleau de la Parole : « Remplissez les jarres. »

Les serviteurs obéissent et versent de l’eau dans les jarres. Six cents litres, ce n’est pas rien ! Les voici au travail, le vase sur l’épaule, le dos courbé sous le poids de l’action et de la tâche à accomplir. Celui que la rumeur appelle « le nouveau prophète » doit bien avoir ses raisons…

Avez-vous remarqué la tunique verte du serviteur ? En iconographie, cette couleur est symbole d’espérance et de croissance. Elle est souvent attribuée aux messagers et aux prophètes, à ceux que pousse l’Esprit saint. Il se passe donc bien quelque chose en ces hommes qui obéissent à la demande de Jésus.

La grâce de l’Esprit saint touche aussi celui qui se laisse regarder par l’icône.

Que le Seigneur nous bénisse et nous garde, qu’il fasse briller sur nous son visage et nous accorde sa grâce, qu’il se tourne vers nous et nous donne sa paix

 

Soeur Marie-Thaddée

Couvent de Nancy