Extrait de l’œuvre "Les livres de Jakob" (de Olga TOKARCZUK)
à méditer……
Asher retint la leçon : les gens ont un besoin intense de se sentir meilleurs que les autres. Peu importe qui ils sont, ils doivent trouver quelqu'un qui est moins bien qu'eux. Qui est meilleur, qui est moins bien, cela dépend de nombreuses données aléatoires. Ceux qui ont des yeux clairs pensent avec condescendance à ceux qui en ont de sombres. A leur tour, ces derniers les prennent de haut. Ceux qui habitent près de la forêt se sentent supérieurs à ceux qui habitent au bord des étangs, et inversement. Les paysans toisent les Juifs avec mépris, les Juifs considèrent d'un air hautain les paysans. Les citadins s'estiment supérieurs aux villageois et ceux-ci les tiennent pour moins bien qu'eux.
N'est-ce pas ce qui soude le genre humain ? Autrui nous serait-il nécessaire rien que pour nous apporter la joie de lui être supérieur ? Et, chose incroyable, ceux qui sembleraient être le plus bas de tous, et donc les pires des pires, trouvent une satisfaction perverse à ce qu'il n'y ait pas moins bien qu'eux et donc tenir le haut du pavé en la chose.
D'où cela vient-il ? songe Asher. Ne pourrait-on pas réparer l'homme ? S'il était une machine, comme disent certains maintenant, il suffirait de déplacer légèrement un petit levier ou de resserrer une vis, et les gens trouveraient un plaisir immense à se traiter en égaux.