Communauté de Paroisses St. Gabriel Val de Sarre Nord

 

 

Extraits d’un entretien entre Etienne Grieu, jésuite, théologien, président du Centre Sèvres à Paris et Sophie de Villeneuve dans l’émission « Mille questions à la foi » sur Radio Notre-Dame.

 

Vous faites donc une différence entre la façon dont la foi transforme la vie et des convictions que l’on pourrait appeler des certitudes de foi…

Étienne Grieu : Affirmées comme telles, les certitudes peuvent paraître assez extérieures. Ce n’est pas tellement ce que nos contemporains attendent. Il faut que les chrétiens fassent entendre que la foi est un moteur très important dans leur vie, ce qui est très différent de paraître posséder la vérité. Un chrétien, tout en étant en chemin vers la vérité, ne possède pas la vérité, elle le dépasse toujours. S’il se présente comme celui qui a la vérité, il risque de provoquer un mouvement de recul ou une allergie qui seront justes, car l’auditeur perçoit très bien qu’il n’est pas vrai d’affirmer que l’on possède la vérité.

 

Mais comment ne pas être doctrinaire quand on a des convictions ? C’est difficile de trouver un bon équilibre…

  1. G. : C’est pourquoi la meilleure manière de partager sa foi, c’est de dire ce que croire nous fait. Car alors on n’est pas d’abord dans l’exposé d’une doctrine, mais plutôt dans le récit de la façon dont la foi a marqué notre existence personnelle…. Il peut y avoir en nous un jeu entre des éléments d’intelligence de la foi et des éléments d’expérience de vie, les uns et les autres se soutenant et se fécondant mutuellement. Mais ce n’est pas l’intelligence à elle seule qui peut parler de Dieu de manière la plus juste.

 

Par « convictions », on entend peut-être aussi tout ce que l’Église prescrit ou interdit : l’avortement, la GPA, l’euthanasie… Comment un chrétien doit-il se situer par rapport à d’autres qui n’ont pas les mêmes convictions ?

  1. G. : Je pense qu’il est important, quand les chrétiens sont interrogés sur ces questions, qu’ils osent défendre des positions auxquelles on a beaucoup réfléchi en Église et que l’on croit vraiment importantes. Mais témoigner de la foi ne peut pas se limiter à ce registre-là. D’autant que nos contemporains sont très sensibles à ces questions-là et qu’ils risquent de ressentir comme une agression les positions que l’on prend. Si on cherche à partager sa foi, ce n’est sans doute pas par ce biais-là que l’on peut y parvenir. Comment la foi nous aide-t-elle à vivre, à avancer dans l’existence, à surmonter les difficultés, à traverser des abîmes parfois, à garder une espérance dans un monde morose ? Voilà ce qui intéresse nos contemporains. Quand on va sur ce registre-là, leurs oreilles s’ouvrent.

 

Il ne faut donc pas annoncer d’emblée ce pour quoi on est contre…

  1. G. : Il vaut mieux parler de ce qui nous tient à cœur dans la foi : qui est Jésus, quel visage a-t-il… Je crois que beaucoup de gens sont prêts à l’entendre.

 

L’Église traverse aujourd’hui des moments très difficiles. Elle est mal perçue, mal vue, mal vécue. Comment traverser cette crise tout en restant ferme sur ce en quoi l’on croit ?

  1. G. : Nous traversons en effet quelque chose de très éprouvant pour les chrétiens et pour les prêtres. Je dirais qu’une attitude juste est une attitude de vérité. Il faut reconnaître les faits qui sont attestés, établis, et pour l’Église c’est source de honte et d’humiliation. Mais il faut pouvoir continuer à dire que malgré cela, la figure du Christ et la bonne nouvelle qu’il a annoncée gardent pour nous la même force. Ce qui touché pour nous, c’est une certaine culture d’Église qui nous a empêchés de prendre les mesures qu’il fallait quand il le fallait. L’Église travaille en ce moment là-dessus, et il est vrai que c’est très douloureux, mais un réel travail est en train de se faire. L’Église se montre courageuse quand elle reconnaît la vérité. Je pense aussi que le positif qui pourrait en ressortir, c’est que l’Église ne peut plus présenter une image triomphante. On a aujourd’hui l’image d’une Église qui a besoin d’être aidée.