Le Vatican a annoncé le samedi 31 décembre 2022 la mort du pape émérite à l’âge de 95 ans.

De ce pape, il serait injuste de ne retenir que la décision qui l’a fait entrer dans l’histoire. Car pour l’Église catholique, Benoît XVI ne se résumera jamais à cette renonciation, mûrie dans la solitude et annoncée à la surprise générale un matin de février, voilà presque dix ans. La stupéfaction, ce jour-là, tenait autant au caractère quasi inédit de l’événement qu’à un paradoxe apparent : personne ne s’attendait à ce qu’un homme catalogué comme conservateur pose un acte d’une telle modernité.

À bien des égards, d’ailleurs, Benoît XVI fut le pape des paradoxes. Un fidèle de Vatican II, qui aura défendu l’héritage de la tradition. Un homme d’influence, qui n’aura jamais recherché le pouvoir pour le pouvoir. Un immense théologien, mais peu disposé à affronter l’époque trouble dans laquelle il a été jeté. Sa lucidité sur les scandales – pédo-criminalité, corruption – n’ont hélas pas empêché ceux-ci de perdurer.

Son retrait a placé le gouvernement de l’Église dans une situation nouvelle de « co-pontificat ». François, Benoît : deux papes, deux caractères, un respect mutuel, et un souci commun de l’unité de l’Église. D’inévitables jeux politiques ont pu pousser certains, épisodiquement, à instrumentaliser les propos du pape émérite pour s’en servir contre son successeur.

Ce parasitage n’est à la hauteur ni de l’homme ni de son œuvre : Benoît XVI, derrière lequel Joseph Ratzinger ne s’est jamais vraiment effacé, frappait ses interlocuteurs par sa puissance intellectuelle autant que par son écoute et son humilité. Ce serait lui faire injure que de l’enfermer dans la caricature d’un « Panzerkardinal », égaré dans le mauvais siècle. À son biographe qui lui demandait s’il se considérait comme le dernier représentant d’une époque ancienne ou le premier d’une nouvelle, Benoît XVI répondait : « Je me situerais plutôt entre les temps. »

Jérôme Chapuis
Directeur de la rédaction de La Croix