Point trop n'en faut

Huit convives, cent cinquante-trois gros poissons. Je n’ai jamais été doué pour les proportions, mais ça me semble tout de même beaucoup. Comme à Cana, où Jésus, plutôt que de fournir les quelques bouteilles suffisantes pour finir le repas, s’était cru obligé de changer en vin des centaines de litres d’eau. Alors certes, Jésus est un convive utile et plein de ressources, mais il est tout de même un peu excessif. On ne lui en demande pas tant.

Ne pourrait-il pas se contenter du nécessaire ? Au fond, nos demandes à Dieu sont généralement assez modestes : la paix dans le monde, le bonheur de ses enfants, un peu de charité pour supporter sa belle-mère ou une place de parking. Et il s’obstine à nous donner bien plus que cela : à se donner lui-même. À nous donner son Esprit qui vient habiter en nous et faire de nous ses fils et ses filles, qui nous fait entrer dans la vie même de Dieu. Au fond, il n’a rien d’autre à nous donner que lui-même, parce qu’il veut nous donner le meilleur. Et ce don dépasse infiniment tout ce que nous demandons, tout ce que nous imagions, avec un excès à côté duquel cent cinquante-trois gros poissons pour huit convives paraissent finalement un arrangement assez raisonnable. Jésus donne avec excès pour nous apprendre à demander comme il faut, à prier selon le cœur de Dieu, à la mesure du cœur de Dieu : demander énormément, demander à la folie, quitte à oublier les politesses dont on ne s’embarrasse pas quand on aime. Demander toujours plus, toujours mieux. Alors nous nous préparerons à recevoir celui qui seul peut combler nos cœurs en quête d’infini.

Extrait de Signes dans la Bible (2014-2015)

Frère Adrien Candiard
Couvent du Caire (Egypte)