OECUMENISME

 Entretien avec Tomás Halík

 

Prêtre théologien et sociologue, Mgr Tomás Halík est une figure importante de l’Église tchèque. Plusieurs de ses textes ont eu une forte influence dans de nombreux pays durant la pandémie. Son expérience de l’Église sous le régime communiste ainsi que les derniers événements le conduisent à porter un regard acéré sur l’avenir du christianisme en Europe.

 

Quels sont les « signes des temps » aujourd’hui ? Comment pouvons-nous reconnaître le kairos, le temps présent ?

 T.H :. A une époque où la rhétorique, les émotions et les symboles religieux sont utilisés comme armes dans les guerres culturelles, le pouvoir pacifique et guérisseur de la foi doit être mobilisé. La société multiculturelle et pluraliste d’aujourd’hui et de demain est confrontée à un choix : « choc des civilisations » ou civitas oecumenica. La simple « tolérance », au sens de l’indifférence mutuelle, ne suffit pas. Nous devons nous enseigner mutuellement une approche contemplative des événements dans le monde et dans nos propres vies : « trouver Dieu en toutes choses ». Nous devons développer l’art du « discernement spirituel » enseigné par Ignace de Loyola et de nombreux maîtres spirituels.

 Saint Augustin a créé sa théologie de l’Histoire lorsque Rome s’effondrait et que la civilisation romaine était secouée par les « invasions barbares » et le choc des civilisations. La période actuelle n’est-elle pas un défi pour l’émergence d’une nouvelle théologie de l’histoire contemporaine ?

 L’un des visages les plus crédibles et les plus convaincants du christianisme est l’œcuménisme. Si l’Église catholique veut être vraiment catholique, elle doit achever le virage amorcé au concile Vatican II, du catholicisme à la catholicité. Si l’Église doit être une Église, et non une secte, elle doit parvenir à une nouvelle compréhension d’elle-même et développer plus pleinement sa « catholicité », l’universalité de sa mission, en s’efforçant d’être vraiment « tout pour tous ». Ce faisant, cependant, elle ne doit pas perdre son identité. Mais l’identité du christianisme n’est pas quelque chose de statique, donné une fois pour toutes sous une forme immuable. Le christianisme est une continuation du mystère de l’Incarnation, le Verbe de Dieu s’incarnant continuellement dans le corps de l’histoire, de la société et de la culture humaines.

 Les efforts de démocratisation de l’Eglise lors de la Réforme ont contribué de manière significative à la démocratisation de l’ensemble de la société de l’époque. Les efforts oeucuméniques au sein du christianisme doivent, eux aussi, transcender les frontières des Églises et inspirer des efforts pour faire tomber les frontières dans toute la famille humaine. Il est urgent de transformer les processus de mondialisation en un processus de communication culturelle et de partage mutuel. Rappelons la vision de Teilhard selon laquelle la mission du christianisme et d’insérer dans le processus de planétarisation de l’humanité l’énergie de l’amour illimité et inconditionnel enseigné par l’Évangile.

 Les histoires de vie des chrétiens et l’histoire de l’Église sont une participation mystique au mystère de Pâques, au mystère de la mort et de la résurrection. Les histoires de vie des chrétiens et l’histoire de l’Église ont leurs Vendredis saints, leurs souffrances et leurs descentes aux enfers, le silence du Samedi saint et la joie du matin de Pâques. Le drame de Pâques est la clé pour comprendre le drame de nos vies, et nos expériences nous ouvrent à leur tour à une compréhension plus profonde du mystère pascal.

 

Etudes

Janvier 2022